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Culpabilité et intelligence émotionnelle

Dernière mise à jour : 14 août 2019

Utiliser la culpabilité comme une ressource


Manger sans culpabilité, voilà l'adage de la nouvelle diététique. La culpabilité serait une émotion problématique, néfaste, qu'il faudrait chasser.

Derrière cet adage nous pouvons imaginer une intention positive et un positionnement professionnel axé sur l'accompagnement bienveillant. Toutefois cela pose plusieurs problèmes. La culpabilité, comme toutes les émotions, n'a pas besoin de carton d'invitation pour débarquer. L'injonction "surtout en cas d'écart ne culpabilisez pas" risque d'être peu efficace et elle risque même de faire vivre au patient un sentiment d'impuissance (je n'y arrive pas). Chez certains patients cette injonction peut même les amener à culpabiliser de culpabiliser.


Essayer de ne pas ressentir des émotions naturelles ne semblent pas très fonctionnel. Cela va dans le sens des travaux de Hayes (1996) sur l'évitement expérientiel: tenter de supprimer un ressenti désagréable risque de majorer la détresse émotionnelle.


Autre point, nous pouvons concevoir les émotions (même désagréables) comme des messagers. L'une des fonctions de la culpabilité est de nous alerter que notre conduite n'était pas conforme à notre objectif. Si votre projet est de manger sainement, de ne pas surmanger il va être naturel de culpabiliser en cas d'excès. La culpabilité peut être envisagée comme une amie venant nous alerter du problème. Une amie certes maladroite, une amie qui nous juge, une amie qui nous met la pression, qui fonctionne en "tout ou rien" mais une amie qui veut nous aider.


Dans ce bref article nous verront comment utiliser de manière adaptative cette émotion.Nous feront ici référence aux travaux de Goleman sur l'intelligence émotionnelle.Cette théorie part du postulat que nos émotions peuvent nous aider à ajuster nos comportements.Cela rejoins également les hypothèses d'Antonio Damasio qui dans son livre l'erreur de Descartes mettait en évidence que les émotions sont indispensables à la prise de décision.


Dans un travail clinique nous procédons par étapes.


La première visera à recadrer la culpabilité comme une amie utile.


La technique le plus simple est de questionner le patient sur l'intention positive de son émotion. Dans beaucoup de cas cela lui permet de conscientiser que la culpabilité est un garde fou.


Nous pouvons également utiliser des techniques d'amplification.

Illustrons cela avec l'exemple de Claire, 42 ans. Elle évoque culpabiliser en cas d'écarts et voit sa culpabilité comme négative.

Il peut dans ce cas être utile de l'amener à envisager les conséquences d'une vie sans culpabilité.


"Claire imaginez que demain la culpabilité disparaisse totalement de votre vie. Vous pouvez manger du chocolat, deux tablettes entières par jour, vous goinfrer, manger triple portion, quitter la table repue chaque jour... et pas de culpabilité...Il y aura des avantages à cela j'imagine. Y-aurait-il également des inconvénients?"

Cette amplification est souvent efficace pour mettre en évidence les fonctions adaptatives de la culpabilité. Il est probable que Claire, dans l'exemple précédent, puisse identifier que sa culpabilité soit comme une sorte de garde-fou.


Considérer les fonctions adaptatives d'une émotion favorise déjà en soi la tolérance émotionnelle.


Il est également possible de remonter jusqu'à l'intention la plus positive de l'émotion. La thérapeute Connirae Andreas, dans son protocole Core transformation, utilise une stratégie de questionnement fort pertinente que nous allons illustrer ici.


Thérapeute : "claire quelle est l'intention positive de votre culpabilité?"

Claire "que je ne mange pas trop"

Thérapeute : "et derrière cette intention positive y a-t-il quelque chose d'encore plus important?"

Claire : "que je me sente bien dans ma peau"

Thérapeute : "que vous soyez bien dans votre peau. Et derrière cela y a-t-il une intention encore plus positive?"

Claire : "que je me sente aimé"

Thérapeute : "votre culpabilité a pour intention que vous soyez aimé"



La seconde étape vise à recadrer la culpabilité comme maladroite.


En se référant à la théorie des trois cerveaux émotionnels de Paul Gilbert, la culpabilité est une émotion associée à la menace et à la protection. La culpabilité nous fait donc basculer sur un mode mental favorisant l'urgence, la dichotomie et la focalisation sur le problème.

Le thérapeute peut, lors de l'entretien clinique, aider le patient à explorer les maladresses de son émotion.

Quelques questions peuvent favoriser ce travail:

  • quels sont les mauvais conseils que vous donne votre culpabilité? (intention : explorer la fusion avec les règles verbales rigides, les pensées dichotomiques, les pensées du type "foutu pour foutu"...)

  • quels sont les conseils de votre culpabilité qui vous amène dans le mur?

  • quels sont les conseils que votre culpabilité vous donne est qui nuisent à votre estime personnelle? (intention : explorer les conséquences de la fusion cognitive)

  • quels sont les conseils que votre culpabilité vous donne que vous ne donneriez pas à une amie? (intention : prise de perspective pour faire émerger de la flexibilité).

  • Votre culpabilité vous donne-t-elle des conseils bienveillants et flexibles ou plutôt directifs et rigides? (discernement des règles verbales flexibles vs rigides)


Il est également pertinent à ce stade de mêler ce travail expérientiel (centré sur l'expérience du patient) à un travail de psychoéducation sur la culpabilité en évoquant ses caractéristiques.


La troisième étape vise à replacer le patient dans une relation d'autonomie


Le travail thérapeutique vise ici à aider le patient à faire le tri dans les conseils que lui donne sa culpabilité tout en gardant une posture d'hospitalité envers cette amie maladroite.


"Claire votre culpabilité est comme une amie maladroite, elle veut vous aider à manger moins, à être bien dans votre peau...parfois elle vous donne des conseils qui ne sont pas bons ou qui mériteraient d'être assouplis. Votre culpabilité étant une amie je vais vous inviter à la remercier chaque fois qu'elle aura un conseil à vous donner. Gardez à l'esprit que vous pouvez choisir de ne pas lui obéir ou d'assouplir ses conseils."


Thérapeute : "claire quel conseil aurait mérité d'être assoupli dernièrement?"

Claire: "vendredi j'avais bien mangé à midi et ma culpabilité m'a dit de ne rien manger le soir"

Thérapeute : "comment ce conseil aurait-il pu être assoupli?"

Claire : "de peut-être manger léger mais de manger quand même (...) et tout cas de répondre à ma faim"


Cette petite bride d'entretien met en évidence que Claire utilise ici sa culpabilité de manière plus souple et surtout d'une manière contextuellement adaptée (adaptée notamment à son contexte physiologique de faim).






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